Suite...
Dieu pendu,
Dieu vivant je puis parler encore. Étouffement n'empêche de penser.
Mon âme est
Dieu, celle que tu adores, mon âme est
Dieu, écoutez-moi, vivants.
Pardonnez tout ; le crime et l'adultère, voilà ma loi, la loi que
Dieu nous donne.
Prenez-les comme je vous pardonne.
Voici la loi : la
Vierge est votre mère.
Saint
Jean l'aimant recueille-la chez toi, comme en tous lieux la
Vierge débonnaire sera reçue comme âme des vivants.
Et vous
Dieu
Père n'abandonnant pas la terre, la terre crie : ne m'abandonnez pas !
dans
cette nuit où la France se terre, je dis, mon Dieu, ne l'abandonnez pas.
«J'ai soif»... mon
Dieu ! ce qui vous désaltère, c'est notre amour au vôtre répondant.
Regardez donc au fond de mes artères, c'est votre nom qui coule avec mon sang.
Tout est accompli, parole dernière.
Vous avez soif ! voici que je vous offre, mon
Dieu, mon corps jadis créé par
Vous, qu'il n'y ait plus de zone limitrophe entre la croix et mes pauvres
genoux.
Mon
Dieu ! j'ai peur !... ne vois-tu pas ta mère comme un métal par le chagrin
raide.
Mais son absence n'empêche pas qu'opère sa grâce en toi selon ton appétit.
Depuis ce temps je
vais au
Saint
Sépulcre : pleurer l'amour de mon
Dieu torturé.
C'est dans la grotte où l'esprit nous embusque qu'il faut aller quérir la
vérité.
Est-ce la place de
Dieu sur cette dalle
Voyez un peu l'étrange événement.
Dieu quittant tout, ses couronnes pour venir là mourir comme un dément.
Vous, habitant des siècles de la terre, vous qui naissez et mourez en pleurant,
tournez tournez les yeux vers le
Calvaire, et jusqu'au jour du
Dernier
Jugement.
Le
Dieu pendu ! c'est un cadavre !
Les yeux vitreux et l'épaule en avant, défiguré par le fer qui le navre,
les
mains tordues, détendues et plissant
[sous les clous], le corps marqué par les coups de lanières.
Jusqu'à ce cri, il était bien vivant ; la vie de désir est partie d'un seul
coup,
reléguée aux rester debout car c'est bientôt jour de
Pâques fleuri.
D'où ? et d'où ? de
partout ! je suis la connaissance ! la terre ? un diamant que les
Dieux ont taillé et pourtant
"Je" suis là au milieu des essences et des êtres vivants venus pour batailler.
L'Esprit c'est
Prométhée sur ta cime, ô
Caucase vous anges ou démons, regardez-le de loin.
J'aurais voulu toucher les pieds de cet esclave
quand j'approchais de lui ce
fut l'Autre qui vint.
Prométhée dit :
"Non, non, je suis l'arbre de science.
Le chêne de
Dodone est un métal de lance...
Mes feuilles dans le vent disent tous les secrets."
Quand j'approchais de lui l'Autre me dit
"Pleurez !"
Ce n'est pas de partout qu'arrivera la
Science mais d'un
Seul
Corps ami qui fait corps avec vous.
Non, non pas de
Caucase.
Amour et révérence le seul
Sang d'une chair que l'on prend à genoux.
L'épaule de
Jésus, vous y mettrez la tête et
Ses cheveux feront de l'ombre à votre cou laissez les agneaux d'or d'Apollon
chez Admète il n'est qu'un seul agneau qui guérisse les fous.
Cet agneau c'est un homme et cet homme c'est vous.
Max Jacob – Poèmes d’Amour