Mercredi 5 Septembre 2012 :  Bazas > Captieux > Le Billon - 28 km

 

 

    Aux arbres

    Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme!
    Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
    Vous me connaissez, vous! - vous m’avez vu souvent,
    Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
    Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
    Une humble goutte d’eau de fleur en fleur tombée,
    Un nuage, un oiseau, m’occupent tout un jour.
    La contemplation m’emplit le coeur d’amour.
    Vous m’avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
    Avec ces mots que dit l’esprit à la nature,
    Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
    Et du même regard poursuivre en même temps,
    Pensif, le front baissé, l’oeil dans l’herbe profonde,
    L’étude d’un atome et l’étude du monde.
    Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
    Arbres, vous m’avez vu fuir l’homme et chercher Dieu!
    Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches,
    Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches,
    Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux,
    Vous savez que je suis calme et pur comme vous.
    Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s’élance,
    Et je suis plein d’oubli comme vous de silence!
    La haine sur mon nom répand en vain son fiel ;
    Toujours, - je vous atteste, ô bois aimés du ciel! -
    J’ai chassé loin de moi toute pensée amère,
    Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère!

    Victor Hugo

 





Matin magique dans un décor de rêve...


Eglise Notre-Dame de Bernos-Beaulac (15ème-19ème siècles)


Sur la passerelle qui enjambe le Ciron


Un beau passage dans un sentier en sous-bois...



Et ensuite on emprunte une ancienne voie ferrée





Eglise Saint-Martin de Captieux (19 ème siècle)

     
Long chemin à la lisière des forêts de pins pour rejoindre l'hébergement du Billon






La journée s'achève sur la contemplation de ce ce beau soleil couchant...
 


Cette étape se déroule encore dans le département de la 
Gironde
mais à l'arrivée au refuge du Billon, on sera à la limite avec le département 
des 
Landes.
Les pins seront les bienvenus pour nous protéger un peu
des ardeurs du soleil. La première partie jusqu'à 
Bernos-Beaulac  est variée avec alternance de chemins et de petites routes goudronnées. Ensuite l'itinéraire en forêt, en suivant une ancienne voie ferrée est plutôt
monotone. Après
Captieux, il faut trouver le refuge du Billon, et avec un peu
de chance, on finit par y atterrir, perdu au milieu de cette vaste
forêt des Landes !



Je quitte le refuge de Bazas alors qu'il fait encore nuit...Je vais avoir pour m'émerveiller

une belle séquence de tableaux que le lever du soleil va susciter.
Encore du goudron jusqu'à Bernos. Je fais une pause au bord du Ciron puis après une montée
sablonneuse, je rejoins une petite route qui me conduit à Beaulac.
Je marche un peu le long de la D932 avant de prendre l'ancienne voie ferrée qui conduit
par une longue traversée rectiligne de la forêt jusqu'à Captieux. Arrivé dans cette localité,
je vais me restaurer dans un petit restaurant sympa sur la place de l'église.
Je passe à l'épicerie pour acheter de la nourriture pour ce soir.
Ensuite je retrouve cette voie ferrée transformée en piste que je vais suivre jusqu'à
un embranchement pour rejoindre le refuge pèlerin du Billon.
(J'avais téléphoné à Mme Tresseras pourqu'elle me donne les indications afin de trouver
sans trop de difficultés l'itinéraire me conduisant chez elle).
Je passe au-dessus de l'autoroute Pau-Bordeaux et je poursuis par une voie empierrée
le long de l'autoroute et enfin une dernière piste m'amène au refuge où je suis bien accueilli
par Mme Tresseras qui est une vieille dame vivant seule dans cette ferme et qui m'a tout de
suite conquis par sa gentillesse et son souci de mon bien-être. L'hébergement des pèlerins
se trouve dans une petite maison indépendante. C'est tranquille et confortable.
Je fais mon dîner dans la cuisine, avec en plus de mes achats, des tomates et des pommes de terre
que mon hôtesse m'a procuré. Il n'y a que le vin qui manque pour cette soirée solitaire...



Accueil pèlerin chez Mme Tresseras
Petit bungalow indépendant
Prévoir d'apporter des provisions pour le dîner
3 coquilles

 


    Dans la forêt

    De quoi parlait le vent ? De quoi tremblaient les branches ?
    Était-ce, en ce doux mois des nids et des pervenches,
    Parce que les oiseaux couraient dans les glaïeuls,
    Ou parce qu’elle et moi nous étions là tout seuls ?
    Elle hésitait. Pourquoi ? Soleil, azur, rosées,
    Aurore ! Nous tâchions d’aller, pleins de pensées,
    Elle vers la campagne et moi vers la forêt.
    Chacun de son côté tirait l’autre, et, discret,
    Je la suivais d’abord, puis, à son tour docile,
    Elle venait, ainsi qu’autrefois en Sicile
    Faisaient Flore et Moschus, Théocrite et Lydé.
    Comme elle ne m’avait jamais rien accordé,
    Je riais, car le mieux c’est de tâcher de rire
    Lorsqu’on veut prendre une âme et qu’on ne sait que dire ;
    J’étais le plus heureux des hommes, je souffrais.
    Que la mousse est épaisse au fond des antres frais !
    Par instants un éclair jaillissait de notre âme ;
    Elle balbutiait : Monsieur… et moi : Madame.
    Et nous restions pensifs, muets, vaincus, vainqueurs,
    Après cette clarté faite dans nos deux coeurs.
    Une source disait des choses sous un saule ;
    Je n’avais encor vu qu’un peu de son épaule,
    Je ne sais plus comment et je ne sais plus où ;
    Oh ! le profond printemps, comme cela rend fou !
    L’audace des moineaux sous les feuilles obscures,
    Les papillons, l’abeille en quête, les piqûres,
    Les soupirs, ressemblaient à de vagues essais,
    Et j’avais peur, sentant que je m’enhardissais.
    Il est certain que c’est une action étrange
    D’errer dans l’ombre au point de cesser d’être un ange,
    Et que l’herbe était douce, et qu’il est fabuleux
    D’oser presser le bras d’une femme aux yeux bleus.
    Nous nous sentions glisser vaguement sur la pente
    De l’idylle où l’amour traître et divin serpente,
    Et qui mène, à travers on ne sait quel jardin,
    Souvent à l’enfer, mais en passant par l’éden.
    Le printemps laisse faire, il permet, rien ne bouge.
    Nous marchions, elle était rose, et devenait rouge,
    Et je ne savais rien, tremblant de mon succès,
    Sinon qu’elle pensait à ce que je pensais.
    Pâle, je prononçais des noms, Béatrix, Dante ;
    Sa guimpe s’entrouvrait, et ma prunelle ardente
    Brillait, car l’amoureux contient un curieux.
    Viens ! dis-je… - Et pourquoi pas, ô bois mystérieux ?

    3 avril 1874

    Victor Hugo  -  Toute la lyre

     

 

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