Vendredi 16 Mai 2008  -  Zamora > Riego del Camino (33,5 km)



Vingt poèmes d'amour

(Paraphrase de Rabindranath Tagore)


Dans mon ciel au crépuscule tu es comme un nuage
et ta couleur et forme sont comme moi je les veux.
Tu es mienne, tu es mienne, femme aux douces lèvres
et vivent dans ta vie mes rêves infinis.

La lampe de mon âme te rosit les pieds,
mon aigre vin est plus doux sur tes lèvres,
ô moissonneuse de ma chanson du soir tombant,
comme te sentent mienne mes songes solitaires !

Tu es mienne, tu es mienne, vais-je criant dans la brise
du soir, et le vent emporte ma voix veuve.
Chasseresse du fond de mes yeux, ton larcin
retient comme l'eau ton regard nocturne.

Dans le filet de ma musique tu es captive, mon amour,
et mes filets de musique sont larges comme le ciel.
Mon âme naît au bord de tes yeux de deuil.
Dans tes yeux de deuil commence le pays du rêve.



En mi cielo al crepúsculo eres como una nube
y tu color y forma son como yo los quiero.
Eres mía, eres mía, mujer de labios dulces,
y viven en tu vida mis infinitos sueños.

La lámpara de mi alma te sonrosa los pies,
el agrio vino mío es más dulce en tus labios,
oh segadora de mi canción de atardecer,
cómo te sienten mía mis sueños solitarios !

Eres mía, eres mía, voy gritando en la brisa
de la tarde, y el viento arrastra mi voz viuda.
Cazadora del fondo de mis ojos, tu robo
estanca como el agua tu mirada nocturna.

En la red de mi música estás presa, amor mío,
y mis redes de música son anchas como el cielo.
Mi alma nace a la orilla de tus ojos de luto.
En tus ojos de luto comienza el país del sueño.


Pablo Neruda



  •                      
    Dans un jardin, des pèlerins en plâtre presqu'aussi vrai que nature...               A la sortie de Montamarta, l'Ermita de la Virgen del Castillo



    L'embalse de Ricobayo


                         
    Chaque étape apporte son lot d'enchantements...






    Fantaisie


    Il est un air, pour qui je donnerais,
    Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber.
    Un air très vieux, languissant et funèbre,
    Qui pour moi seul a des charmes secrets!

    Or, chaque fois que je viens à l'entendre,
    De deux cents ans mon âme rajeunit...
    C'est sous Louis treize; et je crois voir s'étendre
    Un coteau vert, que le couchant jaunit;

    Puis un château de brique à coins de pierre,
    Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
    Ceint de grands parcs, avec une rivière
    Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;

    Puis une dame, à sa haute fenêtre,
    Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
    Que dans une autre existence peut-être,
    J'ai déjà vue...et dont je me souviens !


    "Odelettes"  -  Gérard de Nerval



  •                     
                             Le village de Riego del Camino                                           Il y a de nombreux pigeonniers comme celui-là dans cette région
     


     Il fait à peine jour quand je quitte Zamora.
    Le Chemin est boueux et je cherche des passages où les chaussures ne s'enfoncent pas trop.
    J'aperçois à 50 mètres un gros chien qui se tient au milieu du chemin et qui manifeste une certaine aggressivité
    dès que je m'avance. Je tiens mon bâton dans une main et dans l'autre une bombe anti-agression.
    Cependant je reste à distance, n'étant pas plus rassuré malgré mon "arsenal",
    et dès que je fais quelques pas, le chien se lève, aboie furieusement et me fait comprendre
    qu'il est maître de ce passage comme Cerbère à la porte des enfers !
    Je m'arme de patience en espérant que les propriétaires d'un bâtiment voisin vont se manifester.
    Au bout d'une d'une demi-heure, je vois un autre chien (ou une chienne) venir à sa rencontre et finalement
    ils partent ensemble dans une autre direction me laissant ainsi la voie libre !

    C'est maintenant une piste caillouteuse parallèle à la N630. J'arrive à Montamarta vers 10h.
    Je m'arrête sur un banc pour reposer mes pieds, changer de chaussetttes et enlever mon anorak.
    Le temps qui en début de matinée était brumeux et plutôt à la pluie semble se mettre au beau.
    Je vais me restaurer dans un bar, puis je reprends le Camino en suivant de longues pistes au milieu
    des immensités cultivées. Une alouette m'accompagne de son chant et j'arrive alors à l'Embalse de Ricobayo
    que je traverse en suivant la Nationale. Je coupe à travers champs pour rejoindre le Chemin.
    Les derniers kilomètres sont un peu durs et je tourne un moment avant de trouver l'Albergue où je suis
    bien accueilli par Dorita l'hospitalera. Il y a du soleil et du vent, c'est l'occasion de faire une bonne lessive !
    Le soir je vais dîner chez "Pepe" avec un autre couple de français qui m'a rejoint à l'albergue.


     


    Hébergement au refuge municipal où l'on est bien accueilli par Dorita.

    3 Coquilles

     

     


    Ode

    Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce,
    Ton glissement nocturne à travers l'Europe illuminée,
    Ô train de luxe ! et l'angoissante musique
    Qui bruit le long de tes couloirs de cuir doré,
    Tandis que derrière les portes laquées, aux loquets de cuivre lourd,
    Dorment les millionnaires.
    Je parcours en chantonnant tes couloirs
    Et je suis ta course vers Vienne et Budapest,
    Mêlant ma voix à tes cent mille voix,
    Ô Harmonika-Zug !
    J'ai senti pour la première fois toute la douceur de vivre,
    Dans une cabine du Nord-Express, entre Wirballen et Pskow .
    On glissait à travers des prairies où des bergers,
    Au pied de groupes de grands arbres pareils à des collines,
    Etaient vêtus de peaux de moutons crues et sales…
    (Huit heures du matin en automne, et la belle cantatrice
    aux yeux violets chantait dans la cabine à côté.)
    Et vous, grandes glaces à travers lesquelles j'ai vu passer la Sibérie
    et les monts du Samnium , la Castille âpre et sans fleurs,
    et la mer de Marmara sous une pluie tiède !
    Prêtez-moi, ô Orient-Express, Sud-Brenner-Bahn , prêtez-moi
    Vos miraculeux bruits sourds et
    Vos vibrantes voix de chanterelle ;
    Prêtez-moi la respiration légère et facile
    Des locomotives hautes et minces, aux mouvements
    Si aisés, les locomotives des rapides,
    Précédant sans effort quatre wagons jaunes à lettres d'or
    Dans les solitudes montagnardes de la Serbie,
    Et, plus loin, à travers la Bulgarie pleine de roses…
    Ah ! il faut que ces bruits et que ce mouvement
    Entrent dans mes poèmes et disent
    Pour moi ma vie indicible, ma vie
    D'enfant qui ne veut rien savoir,
    sinon espérer éternellement des choses vagues.

    Poésies de A.O Barnabooth  -  Valéry Larbaud



  • Vivre, c'est s'obstiner à achever un souvenir ?
    Mourir, c'est devenir, mais nulle part, vivant ?

    (René Char)

     

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