Samedi 29  Août 2015 : La Gineta > La Roda (21,5 km)

 


    Compagnon des Amériques

    Compagnon des Amériques
    Québec ma terre amère ma terre amande
    ma patrie d'haleine dans la touffe des vents
    j'ai de toi la difficile et poignante présence
    avec une large blessure d'espace au front
    dans une vivante agonie de roseaux au visage

    je parle avec les mots noueux de nos endurances
    nous avons soif de toutes les eaux du monde
    nous avons faim de toutes les terres du monde
    dans la liberté criée de débris d'embâcle
    nos feux de position s'allument vers le large
    l'aïeule prière à nos doigts défaillante
    la pauvreté luisant comme des fers à nos chevilles

    mais cargue-moi en toi pays, cargue-moi
    et marche au rompt le coeur de tes écorces tendres
    marche à l'arête de tes dures plaies d'érosion
    marche à tes pas réveillés des sommeils d'ornières
    et marche à ta force épissure des bras à ton sol

    mais chante plus haut l'amour en moi, chante
    je me ferai passion de ta face
    je me ferai porteur de ton espérance
    veilleur, guetteur, coureur, haleur de ton avènement
    un homme de ton réquisitoire
    un homme de ta patience raboteuse et varlopeuse
    un homme de ta commisération infinie
                  
    l'homme artériel de tes gigues
    dans le poitrail effervescent de tes poudreries
    dans la grande artillerie de tes couleurs d'automne
    dans tes hanches de montagnes
    dans l'accord comète de tes plaines
    dans l'artésienne vigueur de tes villes
    devant toutes les litanies
                  de chats-huants qui huent dans la lune
    devant toutes les compromissions en peaux de vison
    devant les héros de la bonne conscience
    les émancipés malingres
                 les insectes des belles manières
    devant tous les commandeurs de ton exploitation
    de ta chair à pavé
                 de ta sueur à gages

    mais donne la main à toutes les rencontres, pays
    toi qui apparais
                 par tous les chemins défoncés de ton histoire
    aux hommes debout dans l'horizon de la justice
    qui te saluent
    salut à toi territoire de ma poésie
    salut les hommes et les femmes
    des pères et mères de l'aventure


    Gaston Miron - La vie agonique




La Magie du soleil qui émerge des terres encore endormies...


Et la route est belle quand le pèlerin la foule de ses pieds ailés tel Hermès le messager des dieux !

   



Contraste saisissant entre ce champ de luzerne d'un beau vert...


...et ce plateau désolé où les labours sont terminés !

   
L'ombre de cette cathédrale de paille m'a incité à faire une pause...et à prendre un temps de déclamation poétique !


Quand même un peu fatigué !




   
Le Chemin mène à ces bâtisses où nulle âme ne s'est manifestée...

   
L'amandier pourvoyeur d'amandes que j'ai plaisir à grignoter...





On approche de la fin d'étape...


Et le village de La Roda est tout proche dominé comme dans tous les pueblos d'Espagne par le clocher de son église !


Cette Cafétéria toute proche sera mon Q.G !


    J'attends 7h, l'ouverture de la Cafétéria Los Chopos pour prendre mon petit déjeuner et faire le plein d'eau fraîche.
    Le parcours est un peu similaire à celui de la veille. Comme chaque matin, j'enchaîne les 20 pages du Transsibérien
    que j'ai maintenant bien mémorisé et je finis d'apprendre 2 sonnets de Pablo Neruda. Il y a un peu de vent et de ce fait,
    un peu moins de chaleur...Je fais une première pause vers 10h à l'ombre d'une cathédrale de paille. Les pistes sont
    longues, rectilignes et le balisage parfois un peu déficient. Plus tard je m'arrête à l'ombre d'un amandier, je casse
    quelques amandes et un peu plus loin, c'est un figuier qui me prodiguera quelques bonnes figues. Trois kilomètres
    avant d'arriver à l'étape je ne résisterai pas et je me régalerai de 2 belles grappes de raisin blanc.

    Comme chaque jour, les derniers kilomètres me paraissent bien longs, alors je déclame une bonne partie de tous

    les poèmes que j'ai à mon répertoire et ainsi le chemin me paraît moins long. J'arrive à 13h30 devant la Plaza de Toros
    de La Roda. Je téléphone à Maria et après 20 minutes, un homme vient m'ouvrir l'Albergue. Je mets mes sandales et
    vais à la cafétéria de la station Repsol où je vais reprendre quelques forces avec un plato combinado et une grande
    cerveza. Puis retour à l'Albergue, douche, lessive, repos, carnet et sieste...

    En fin d'après-midi je vais à la Cafétéria
    Flor de la Mancha où je bois un Double Tinto de Verano.
    J'ai la Wifi et je peux envoyer des messages, mettre quelques photos sur Facebook et téléphoner
    avec Whatsapp.
    Au dîner, on me sert un Pastel de Bacalao accompagné d'un vino blanco et pour terminer, un verre de Pacharan !
    Retour à l'Albergue à 21h et au cœur de cette Plaza de Toros qu'une pleine lune fait resplendir et qui est plongée
    dans un grand silence que nul mugissement ne vient déranger, je vais vite plonger dans un profond sommeil...
     



Lien avec le commentaire de Gilbert

Lien avec le commentaire "Chemin du Levant"



Hébergement dans l'Albergue Municipal situé à l'intérieur de la Plaza de Toros
dans ce qui sert d'infirmerie. Gratuit - Tranquille et bien arrangé.
Documentation sur les chemins et cartes murales.
Appeler Maria au 669 29 08 02 ou Antonio au 630 44 02 15-+
3 coquilles

 



    Séquences

    Parmi les hommes dépareillés de ces temps
    je marche à grands coups de tête à fusée chercheuse
    avec de pleins moulins de bras sémaphore
    du vide de tambour dans les jambes
    et le corps emmanché d'un mal de démanche
    reçois-moi orphelin bel amour de quelqu'un
    monde miroir de l'inconnu qui m'habite
    je traverse des jours de miettes de pain
    la nuit couleur de vin dans les caves
    je traverse le cercle de l'ennui perroquet
    dans la ville il fait les yeux des chiens malades 

    La batèche ma mère c'est notre vie de vie
    batèche au cœur fier à tout rompre
    batèche à la main inusable
    batèche à la tête de braconnage dans nos montagnes
    batèche de mon grand-père dans le noir analphabète
    batèche de mon père rongé de veilles
    batèche de moi dans mes yeux d'enfant

    Les bulles du délire les couleurs débraillées
    le mutisme des bêtes dans les nœuds du bois
    du chiendent d'histoire depuis deux siècles 
    et me voici
    sortant des craques des fentes des soupiraux
    ma face de suaire quitte ses traits inertes
    je me dresse dans l'appel d'une mémoire osseuse
    j'ai mal à la mémoire car je n'ai pas de mémoire
    dans la pâleur de vivre et la moire des neiges
    je radote à l'envers je chambranle dans les portes
    je fais peur avec ma voix les moignons de ma voix 

    Damned Canuck de damned Canuck de pea soup
    sainte bénite de sainte bénite de batèche
    sainte bénite de vie maganée de batèche
    belle grégousse de vieille réguine de batèche 

    Suis-je ici
    ou ailleurs ou autrefois dans mon village
    je marche sur des étendues de pays voilés
    m'écrit Olivier Marchand
    alors que moi d'une brunante à l'autre
    je farouche de bord en bord
    je barouette et fardoche et barouche
    je vais plus loin que loin que mon haleine
    je vais plus loin que la fin de l'éboulement
    soudain j'apparais dans une rue au nom d'apôtre
    je ne veux pas me laisser enfermer
    dans les gagnages du poème, piégé fou raide
    mais que le poème soit le chemin des hommes
    et du peu qu'il nous reste d'être fiers
    laissez-moi donner la main à l'homme de peine
    et amironner 

    Les lointains soleils carillonneurs du Haut-Abitibi
    s'éloignent emmêlés d'érosions
    avec un ciel de ouananiche et de fin d'automne
    ô loups des forêts de Grand-Remous
    votre ronde pareille à ma folie
    parmi les tendres bouleaux que la lune dénonce
    dans la nuit semée de montagnes en éclats
    de sol tracté d'éloignement
    j'erre sous la pluie soudaine et qui voyage
    la vie tiraillée qui grince dans les girouettes
    homme croa-croa
    toujours à renaître de ses clameurs découragées
    sur cette maigre terre qui s'espace
    les familles se désâment
    et dans la douleur de nos dépossessions
    temps bêcheur temps tellurique
    j'en appelle aux arquebuses de l'aube
    de toute ma force en bois debout 

    Cré bataclan des misères batèche
    cré maudit raque de destine batèche
    raque des amanchures des parlures et des sacrures
    moi le raqué de partout batèche
    nous les raqués de l'histoire batèche

    Vous pouvez me bâillonner, m'enfermer
    je crache sur votre argent en chien de fusil
    sur vos polices et vos lois d'exception
    je vous réponds non 
    je vous réponds, je recommence
    je vous garroche mes volées de copeaux de haine
    de désirs homicides
    je vous magane, je vous use, je vous rends fous
    je vous fais honte
    vous ne m'aurez pas vous devrez m'abattre
    avec ma tête de tocson, de nœud de bois, de souche
    ma tête de semailles nouvelles
    j'ai endurance, j'ai couenne et peu de barbiche
    mon grand sexe claque
    je me désinvestis de vous, je vous échappe
    les sommeils bougent, ma poitrine résonne 

                           j'ai retrouvé l'avenir


    Gaston Miron - La Batèche (fragments)



Et voilà la Plaza de Toros dans laquelle on entre pour aller à l'Albergue !
 

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