6 Septembre 2005 : O Cebreiro > Triacastela (21 km)
Je me lève à 6h. J'attends un peu qu'il fasse jour. Il pleut et il y a de la brume. Je pars avec Kärin, la danoise, sous un crachin qui fait penser à la Bretagne. Le chemin n'arrête pas de monter et de descendre et nous sommes content de pouvoir nous arrêter dans un café pour nous réchauffer et nous sécher un peu. Là, nous retouvons Karlsten qui nous laisse ensuite pour partir devant nous. Nous passons au col de San Roque où se trouve une grande statue de pèlerin, puis au point le plus haut, au col de l'Alto de Poio (1337 m). Ensuite, c'est le début d'une longue descente jusqu'à Triacastela en suivant des chemins bordés de fougères et d'ajoncs, en croisant des troupeaux de vaches, et en traversant plusieurs hameaux typiques de la Galice. Sur la fin de l'étape, je commence à fatiguer et je m'arrête à la première albergue. Kärin préfère continuer jusqu'à Samos. Je dîne avec Karlsten et un couple d'italiens, Rosa et Domenico.
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7 Septembre 2005 : Triacastela > Sarria (18,5 km)
Départ du gîte avec Nicole, une jeune allemande, avec laquelle je vais faire l'étape. La marche est agréable à travers des petits chemins dans un relief assez varié. Nous avons choisi de prendre l'itinéraire par Samos où se trouve le monastère baroque de San Julian de Samos. C'est un immense monastère que nous visitons avec un guide espagnol. Il y a de belles peintures dans les galeries autour et au-dessus des 2 cloîtres.
Ensuite je vais à la poste pour renvoyer chez moi des documents et les fiches des étapes précédentes, puis nous continuons jusqu'à Sarria le long de la nationale, après une pause au bord du rio Sarria pour nous rafraîchir les pieds.
Nous arrivons à Sarria vers 15h30. L'albergue municipale est complète. Nous allons à l'albergue privée Don Alfonso, avec un patio intérieur, où nous allons bien nous reposer avant le dîner que nous allons partager avec Nicole, Rosa, Domenico et un autre couple d'italiens. Nous terminons la soirée devant un bon feu de cheminée que vient nous allumer notre hospitalero.
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8 Septembre 2005 : Sarria > Portomarin (22,6 km)
Lever à 6h. Nous prenons un bon petit déjeuner à l'albergue avec Nicole, puis nous prenons le Chemin un tout petit peu avant le lever du jour. Cette journée est un cheminement au cœur de la Galice. Pont médiéval, forêts profondes plantées de châtaigniers plusieurs fois centenaires, hameaux minuscules reliés les uns aux autres par des chemins creux bordés de murets. On se croirait quelque part en Bretagne. On franchit les ruisseaux à pied sec sur ce qu'on appelle des "Corredoiras", grandes dalles de pierre.
On commence à voir beaucoup de "Horreos" qui sont des sortes de greniers à grain perchés sur 4 piliers pour protéger les récoltes des prédateurs. En cours de chemin, on se sépare avec Nicole qui préfère marcher à un rythme un peu plus rapide, alors que moi, j'aime prendre le temps de profiter de ce Camino qui rappelle un peu les belles étapes sur le Chemin en France. J'arrive en vue de Portomarin vers 13h. Traversée du Rio El Miño sur un nouveau pont qui domine le fleuve. Je vais directement à l'albergue, très grande, très propre, toute neuve ! Un peu plus tard, je vais visiter l'église forteresse San Juan du 13ème qui a été remontée pierre par pierre à partir de son ancien emplacement qui est maintenant sous les eaux du Rio. En effet, après la construction d'un barrage, les eaux du Miño engloutirent la ville médiévale. Je retrouve Nicole et nous dînons ensemble avec un Anglais, Robert.
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9 Septembre 2005 : Portomarin > Palas de Rei (25 km)
Ce matin, après un beau lever de soleil sur les collines, je me sens en forme, je marche seul, je prie, je pense à ma vie future quand je serai de retour, à mes projets de vie... je suis dans la joie... Vers 10h, le ciel menace... Je mets mon équipement de pluie juste à temps, et ensuite je continue le Chemin sous la pluie qui tombe par moments de manière assez forte jusqu'à Palas de Rei.
Je fais les 7 derniers kilomètres avec une autre allemande, Stéphanie. On marche bien et j'arrive pas trop fatigué. Mon équipement a bien résisté, je ne suis pratiquement pas mouillé sur moi et j'ai les pieds au sec. Mais par contre, de l'eau est entrée dans mon sac, malgré la housse dont je l'ai recouvert et j'ai certaines affaires qui sont mouillées. L'eau est entrée par la partie du sac qui repose sur mon dos. Je fais sécher mes affaires dans une machine et tout rentre dans l'ordre !
Dans la soirée, je vais dîner avec un allemand très sympathique, Bernd qui parle un peu français. A 21h30 je suis au lit et je m'endors du sommeil du juste !
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10 Septembre 2005 : Palas de Rei > Arzua (29,5 km)
Je suis sur le Chemin à 7h. Pour le moment il ne pleut pas. Je marche seul, plongé dans des réflexions sur ma vie, mes 2 mariages, mes enfants, sur ma Foi. je pense à mes échecs sentimentaux, à la difficulté de vivre en couple.... Je pense à toutes ces années passées avec la Communauté Chrétienne du Chemin Neuf avec mon ex-femme. Nous avons vécu de bons moments avec les fraternités que nous avons constituées, lors des différentes retraites que nous avons suivies et également avec notre Groupe de Prière. J'ai personnellement vécu de belles expériences spirituelles. Aujourd'hui, tout cela me semble loin... Ce pèlerinage soulève en moi beaucoup de doutes... Je demande au Seigneur de m'éclairer sur ma Foi....
La pluie se remet à tomber assez forte. Je m'arrête dans un bar à Coto (Juste avant Leboreiro). Je prends un 2ème petit déjeuner en compagnie de 3 cyclistes français venus de Tarbes. A la 1ère accalmie, je reprends le Chemin jusqu'à Melide où je vais dans une sorte de restaurant "La Pulperia Ezéchiel" où l'on sert uniquement des plats de "Pulpo". C'est bon, mais quand même un peu trop gras (Poulpe cuite dans l'huile !).
A nouveau sur le Chemin, la pluie continue, je commence à fatiguer et je m'arrête à 3 km avant Arzua à l'albergue "Refugio de Ribadiso de Baixo". Comme il n'y a pas de restaurant tout près et que je n'ai rien à cuisiner je grignote un peu de chorizo et de fromage et je me mets au lit à 20 heures.
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11 Septembre 2005 : Arzua > O Pedrouzo (19 km)
Départ à 7h. Le temps est couvert, mais il ne pleut pas. Le chemin est très agréable. Je traverse des forêts de chênes et d'eucalyptus. Je marche seul une bonne partie de l'étape sauf dans les derniers kilomètres que je fais en compagnie de Stéphanie. Les kilomètres défilent. Je passe la borne des 30 km, puis celle des 20 km.
Je prends quelques moments de louange et de prière. Je me sens bien dans ma peau de pèlerin. J'ai le sentiment que je ne trouverai rien de plus à Santiago, seulement la joie d'être arrivé, d'avoir accompli totalement ce Chemin. La vraie richesse du pèlerinage de Compostelle, elle nous est donnée jour après jour, dans tous ces moments exceptionnels vécus sur le Chemin, dans cette jouissance que procure ce sentiment d'une liberté jamais vécue aussi intensément, dans la contemplation de la beauté des paysages, dans toutes ces églises, chapelles, sanctuaires etc... qui jalonnent le Chemin et qui procurent tant de bonheur ! Et cette richesse nous est encore donnée en abondance dans toutes les rencontres que l'on peut faire.... L'arrivée à Santiago, c'est simplement l'aboutissement, le couronnement. Je ne trouverai au terme du pèlerinage rien de plus que ce que j'aurais vécu tout le long du Chemin, jour après jour.
En ce qui concerne ma Foi et les doutes qui m'accompagnent, je fais confiance au Seigneur, et sans doute je recevrai les grâces nécessaires au moment où j'en aurai besoin....
Je vais dîner avec les 3 jeunes allemandes : Judith, Maria et Véronique et nous prévoyons de partir de très bonne heure demain matin pour arriver dans la matinée à Santiago.
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12 Septembre 2005 : O Pedrouzo > Santiago (20 km)
Je me lève à 5h. Je réveille les 3 allemandes. Je pense faire le Chemin seul, mais à la sortie de O Pedrouzo, je les retrouve cherchant les flèches qui indiquent l'itinéraire. Il fait nuit noire, elles ont juste la lumière de leur portable et moi j'ai une petite lampe qui n'éclaire pas à plus de 2 mètres. Le chemin est plein de flaques d'eau, il faut à certains moments le quitter pour passer dans la forêt. Un peu plus loin, nous nous retrouvons sur une petite route goudronnée. Il y a un beau ciel étoilé. Nous nous apercevons alors qu'il n'y a plus aucune indication du Chemin (Les flèches jaunes). Nous continuons pendant 20 minutes au milieu de la forêt entourés par d'étranges fantômes constitués par des bosquets d'arbustes blancs, puis nous décidons de faire demi tour jusqu'à un hameau que nous avons traversé précédemment. Nous prenons alors une autre direction qui semble se diriger vers la nationale sur laquelle on a pu au loin apercevoir les lumières des phares de voitures. Finalement après une certaine angoisse, et des prières à Saint-Jacques, nous retrouvons le Chemin ! Soulagement ! Le jour commence à pointer à l'horizon. Nous voulons arriver pour la messe des pèlerins à Santiago qui a lieu à midi, aussi nous marchons à une bonne allure. Nous arrivons sur la colline de Monxoi (368m) où se trouvent le monument moderne du Monte do Gozo, et la chapelle San Marcos. Un peu plus loin, nous laissons sur notre gauche la gigantesque albergue qui peut contenir plus de 1000 pèlerins.
Nous commençons notre descente sur Santiago, nous traversons un quartier industriel, puis après encore une bonne demi-heure de marche, nous apercevons enfin le tours de la Cathédrale ! Et puis c'est l'arrivée sur l'immense place de l'Obradoiro face à l'imposante façade baroque de la Cathédrale. Il y a du monde, touristes et pèlerins mélangés.
J'ai du mal à réaliser. Depuis le mois de Mai, je pense à ce moment où je serai devant la Cathédrale, cela me paraissait tellement loin, je me rappelle les panneaux : Compostelle 1600 km / 1000 km /500 km etc... et me voilà arrivé ! J'ai le sentiment très fort d'avoir réalisé ce rêve que je portais depuis des années, d'avoir été au bout de ce pèlerinage, au bout de moi-même, je n'en tire aucune fierté, aucun orgueil, je rends grâce au Seigneur de m'avoir donné les forces pour l'accomplir et de me donner ainsi tant de bonheur.
Après les photos qui s'imposent à ce moment exceptionnel, je rentre dans la Cathédrale prendre place pour la messe des pèlerins qui a lieu à midi. Il y a beaucoup de pèlerins venant des différents Chemins, et aussi malheureusement un peu trop de touristes. Je ressens une émotion profonde pendant la messe. A la fin de la messe, l'orgue joue à plein volume pendant que 8 "tiraboleiros", tout de rouge vêtus, élèvent l'énorme encensoir d'argent, le "Botafumeiro" à la force des bras, puis le projettent à travers le transept à une hauteur surprenante. C'est un moment vraiment impressionnant ! Ensuite, je vais au bureau des pèlerins chercher ma Compostella. Puis je me rends à la pension Sainte-Rita où j'ai réservé une chambre.
En fin d'après-midi, je me promène dans la ville avant de retourner à la Cathédrale pour prendre le temps de la visiter et de l'admirer. Je rencontre Helen, la Brésilienne que j'avais perdue de vue depuis quelques jours, c'est aujourd'hui son anniversaire et nous allons fêter cela dans un petit restaurant dans la vieille ville. Quand nous sortons, la Cathédrale est illuminée, et en face sous les arcades, il y a un groupe de musiciens et de chanteurs que nous écoutons un moment avant de rejoindre la pension.
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13 Septembre 2005 : Santiago
Cette journée à Santiago se passe tranquillement. Je retrouve Helen et nous allons ensemble visiter le musée et le cloître, et à nouveau la Cathédrale avant de retourner à la messe des pèlerins. Nous nous arrêtons un moment pour contempler à l'entrée de la cathédrale le porche de la Gloire comportant plus de 200 personnages qui chantent la gloire du Christ, des apôtres et des saints. Il symbolise la Jérusalem céleste du Livre de l'Apocalypse. Les prophètes sont représentés sur les colonnes de gauche et les apôtres sur celles de droite. Sur le meneau : l'Arbre de Jessé et Saint Jacques. L'arc central illustre l'une des visions ainsi décrite par Saint Jean (Ch.5) :
"Je vis : une porte était ouverte dans le ciel. Aussitôt je fus saisi par l'Esprit. Et voici : un trône se dressait dans le ciel et, siégeant sur le trône, quelqu'un. Une gloire nimbait le trône de reflets d'émeraude. Tout autour, vingt-quatre trônes sur lesquels siégeaient vingt-quatre Anciens vêtus de blanc portant sur leurs têtes des couronnes d'or....
" Le Christ en majesté est entouré des quatre évangélistes, des vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse et d'anges porteurs des symboles de la Passion. A la fin de la messe , nous avons encore droit au spectacle impressionnant du "Botafumeiro", puis je fais mes adieux à Helen qui va partir quelques jours comme "hospitalera" dans l'albergue "Aparecida do Brasil" à Vega de Valcarce.
Je vais déjeuner avec 2 françaises, dont l'une est bretonne et a commencé son pèlerinage à la Pointe du Raz (Plus de 2000 km). J'ai du temps devant moi, je flâne dans la vieille ville de Santiago, j'achète quelques souvenirs, je reste un moment à une terrasse de café, puis je vais m'asseoir en face de la Cathédrale pour prendre le temps de relire ces semaines passées où jour après jour, le Camino m'a conduit dans ce haut-lieu spirituel qui a été le but pour des millions de personnes avant moi. Je m'inscris dans cette lignée de tous ces pèlerins qui depuis plus de 1000 ans ont désiré s'asseoir là où je suis maintenant, après avoir déposé leur fardeau et remercié Saint-Jacques de les avoir protégé. Je ressens comme une onde puissante d'Amour qui me submerge.... Je me sens relié à tous ces hommes et ces femmes qui, comme moi, étaient en quête et ont ouvert leur coeur au feu de l'Esprit-Saint pour être purifiés et renouvelés dans leurs vies. C'est un moment intense de communion....Je termine la soirée seul. J'ai hâte de reprendre le Chemin demain pour continuer jusqu'à Finisterre.
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