Extrait du Topo de Jacques Castonguay, mon ami québecois qui a fait ce Chemin en Mai 2007
De Le Monastier-sur-Gazeille à
Bouchet-Saint-Nicolas
Je prends au gîte un solide
petit déjeuner incluant notamment de savoureuses confitures maison avant
d’entamer ma seconde journée de marche. Après l’achat d’un pain à une
boulangerie, tout comme Stevenson le 22 septembre 1878, mon départ se fait sur
une petite place de Monastier-sur-Gazeille, devant une stèle érigée en
souvenir de cet évènement. Tout près, à côté d’une fontaine, la magnifique
petite église romane Saint-Jean au toit de lauzes se dresse face à la vallée où
je me dirige. La journée s’annonce belle et ensoleillée et c’est avec
enthousiasme que je démarre. Après une descente, je traverse la rivière Gazeille
où un pêcheur taquine le poisson avant de m’attaquer à une longue montée sur un
sentier pierreux qui me fait traverser le bois de Malaval. La campagne
est belle et verdoyante et le temps frais rend ma marche très agréable. Des hameaux
paisibles et aux noms exotiques et accrocheurs se succèdent, Le Cluzel,
Courmarcès, Le Croc, etc. Dans chacun, je remarque de vieilles et vastes
maisons et bâtiments de ferme construits en pierres volcaniques aux couleurs
sombres. Ces constructions sont intéressantes parce qu’elles sont adaptées au
climat et aux conditions de vie et qu’elles utilisent des matériaux de la
région. Leurs dimensions imposantes indiquent aussi qu’aux siècles derniers,
les enfants étaient plus nombreux dans des familles plus larges, regroupant
souvent trois générations.
J’arrive à un hameau plus
important, Saint-Martin-de-Fugères où j’entre dans l’église à quatre
cloches alignées dans leur clocher en peigne. C’est l’Ascension et une
cérémonie religieuse est en cours. Sur un mur extérieur, je photographie dans
la pierre une insolite sculpture d’un chien à la gueule menaçante et au long
corps. A côté de l’église, se dresse un monument aux morts décoré de drapeaux
tricolores avec un Poilu standard figé sur un socle de calcaire. Ici, comme
partout dans la campagne française, on vénère la mémoire des enfants du pays
disparus lors de deux guerres meurtrières. Poursuivant ma marche, je parviens à
un petit sommet d’où j’aperçois un des plus beaux villages de ma randonnées. Il
s’agit de Goudet blotti dans une vallée sur les rives de la Loire. Par
un petit sentier de terre, je descends vers ce hameau au travers d’un véritable
jardin de genêts jaunes en pleine floraison. C’est un paysage unique et
magnifique avec en prime, une vue sur les ruines du château de Beaufort construit
sur la colline d’en face. Ces dernières ont été immortalisées par un
dessein de Stevenson qui a pris un repas à Goudet. Je passe d’ailleurs
devant l’hôtel Senac où il était descendu, un établissement qui porte
maintenant le nom de l’Hôtel de la Loire. Par un pont, je franchis la Loire avant
de monter par un long sentier rocailleux et pentu en direction de Montagnac
où fatigué, je me repose un peu. Face à un large troupeau de moutons, je peux y
admirer une petite chapelle bâtie en pierres brunes et rousses et coiffée d’un
clocheton.
Sous un chaud soleil, je
poursuis mon avancée jusqu’au hameau d’Ussel où je décide de m’arrêter
pour casser la croûte. Je trouve un petit restaurant bondé en ce congé de
l’Ascension mais près du bar, une petite place est trouvée pour le
« Canadien ». Affamé, j’y déguste à un prix très abordable un
excellent repas, charcuterie du pays, boeuf et frites, fromage, dessert et vin.
Il est dur de reprendre la route après un tel banquet ! En sortant du hameau,
je remarque un troupeau de vaches laitières de race montbéliarde. Un fermier
m’explique que ce sont des bêtes robustes et réputées pour leur lait et leur
viande. Je poursuis ma marche pour arriver au village de Bargettes pour
apercevoir ensuite au loin, une trouée dans le flanc de la montagne de Preysac.
Un homme marchant avec son chien m’explique que c’est une carrière de pouzzolane,
une roche volcanique rougeâtre et poreuse utilisée pour la fabrication de
ciments et d’agglomérés. Après quelques kilomètres sous un ciel noir, la pluie
débute poussée par un fort vent et c’est revêtu de mon poncho rouge que j’entre
dans le petit village rural Le Bouchet-Saint-Nicolas. Stevenson a passé
une nuit dans ce hameau comme me le rappelle une imposante sculpture en bois
représentant le célèbre randonneur et son ânesse. Sous la pluie, je cherche en
vain une maison ornée semble-t-il de curieux bas-reliefs. Pour le reste, je ne
trouve rien d’intéressant dans ce village.
Il y a dans les environs un plan d’eau réputé, le lac
du Bouchet que je n’ai pas le temps de visiter. Au gîte où je couche, on
explique que ce lac aux eaux limpides est profond de 28 mètres, qu’il ne reçoit
aucune rivière d’alimentation et que ce serait le vestige d’un ancien cratère
volcanique. Je passe la nuit chez Andrée et Augustin Reynaud qui tiennent des
Chambres et tables d’hôtes. Leur accueil est chaleureux et j’y prends un
excellent dîner avec eux et un couple de Français qui me racontent avoir gardé
de bons souvenirs de sorties en traîneau à chien au nord du Québec. Ce sont
toutefois des Rocheuses canadiennes qu’ils ont gardé les images les plus
mémorables. Sont aussi présents, trois jeunes gens qui comme plusieurs
frontaliers, travaillent à Genève mais demeurent en France profitant ainsi de salaires
suisses plus élevés et d’un coût de la vie plus bas en France. Le repas permet
un intéressant échange et la campagne électorale en cours est bien sûr au menu.
Je note un fort support pour le Président Sarkozy et sur la nécessité
d’entreprendre des réformes profondes dans ce pays. Les propriétaires des lieux
nous expliquent que leur habitation est une ancienne maison de ferme avec la
grange attenante. Comme je leur signale avoir remarqué sur ces fermes, des
pentes en pierre montant à l’étage, on me répond qu’en occitan, on les nomme
des montadous. Le repas terminé, je vais me coucher et je m’endors au
bruit de la pluie poussée par le vent sur les carreaux des fenêtres. Il y aura
possiblement de la boue sur les sentiers demain mais « demain, c’est demain »
et je passe une nuit reposante.
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