4ème étape  - Samedi 21 Août 2010 :
   Pradelles  > Langogne > Le Cheylard l'Evêque (1125 m) - 21,5 km

 


"Je dépêchai mon goûter et résistai au désir de l'aubergiste qui m'incitait vivement à visiter
Notre-Dame de Pradelles (qui accomplissait beaucoup de miracles, bien qu'elle fût en bois) et,
moins de trois-quarts d'heure après, j'aiguillonnais Modestine en bas de la descente escarpée
qui mène à Langogne-sur-Allier. Des deux côtés de la route, dans de vastes champs poussiéreux,
des fermiers s'activaient en vue du prochain printemps. Tous les cinquante mètres, un attelage de boeufs
lourds, aux fanons pendants, tirait patiemment une charrue... De tous ces socs de charrue qui ouvraient
le sol, des pas de bovins, de tout laboureur qui, ici ou là,  brisait à la houe les mottes de terre desséchées,

le vent portait au loin une poussière légère comparable à une épaisse fumée. C'était un tableau rural
vivant,
affairé, délicat et, tandis que je continuais à descendre, les hautes terres du Gévaudan
ne cessaient de monter
devant moi dans le ciel...

...Enfin des arbres noirs commencèrent d'apparaître à ma gauche et, soudain, au travers de la route, creusèrent
devant moi une caverne de ténèbres sans solution de continuité. J'écris une caverne sans exagération :
passer sous cette voûte de feuillage, c'était comme de pénétrer dans un donjon. Je tâtonnai aux alentours,

jusqu'à ce que ma main rencontrât une forte branche à laquelle j'attachai Modestine - bourriquet hagard,
ruisselant, effaré. Puis je mis bas mon paquetage, l'étendis contre la paroi bordant la route et dénouai

les courroies. Je savais à peu près où se trouvait la lanterne, mais où étaient les bougies ?
Je farfouillai et refarfouillai parmi les objets bouleversés et, tandis que je procédais ainsi à l'aveuglette,
tout à coup mes doigts touchèrent la lampe à alcool. Le salut !...

...Je liai Modestine d'une manière pour elle plus confortable, et lui cassai la moitié du pain noir pour
son souper, réservant l'autre moitié pour le lendemain... J'ouvris alors une boîte de saucisses boulonnaises et
cassai une tablette de chocolat. C'était là tout ce que j'avais à me mettre sous la dent. Voici qui peut sembler
désagréable, pourtant je mangeai chocolat et saucisses ensemble, morceau après morceau, en manière de pain

et de viande. Tout ce que j'avais pour faire descendre cette rebutante mixture, c'était de l'eau-de-vie pure :
un breuvage en soi écoeurant. Mais je n'avais pas le choix et j'avais faim. J'ai dîné de bon appétit et
fumé une des meilleures cigarettes de ma vie. Je plaçai ensuite une pierre dans mon chapeau de paille,
rabattis le rebord de ma casquette en fourrure sur mon cou et mes yeux, déposai mon revolver à portée
de la main et me blottis profondément au chaud de ma peau de mouton...

(Extrait de "Voyages avec un âne dans les Cévennes"  - Stevenson)
 

 


Au cœur du bourg de Pradelles trônent Setevenson et Modestine...
 


Un marcheur venu du Mans ainsi que Madeleine notre hôtesse

et ma compagne qui retourne au Puy-en-Velay prendre la voiture...
(Suite à quelques problèmes physiques, elle a préféré pendant que je poursuivais
le chemin faire du tourisme et nous nous retrouvions le soir au gîte)

 
Notre-Dame de Pradelles


La vallée de l'Allier noyée dans la brume


Les vaches dans un décor presque irréel...

  

L'oeuvre d'art de l'araignée


L'église romane de
Langogne


Le vieux pont sur le Langouyrou, affluent de l'Allier



C'est dans l'ensemble une belle étape avec quelques beaux dénivelés,
des paysages variés entre pâturages et bois et de beaux sentiers en forêt.
On est en pays de Gévaudan, sauvage et mystérieux...


Les moissons sont tardives


Dans le hameau de  Saint-Flour-de-Mercoire, ce grand four à pain est allumé
et les habitants de ce hameau font une cuisson communautaire





Il y a ensuite de beaux sentiers en forêt...


...et quelques kilomètres avant Cheylard, je suis rejoint par Cécile et Cédric
avec lesquels j'ai marché lors de la première étape


Un petit écureuil surpris à grignoter des noisettes


Le refuge du Moure à
Cheylard-l'Evêque


La petite église du Cheylard
 

Hébergement au "Refuge du Moure" (Chambre et Table d'Hôtes)
Prestations de qualité et dîner gastronomique pour un prix raisonnable
5 Coquilles



 


Extrait du Topo de Jacques Castonguay, mon ami québecois qui a fait ce Chemin en Mai 2007

Pradelles > Langogne > Le Cheylard l'Evêque


Poursuivant mon chemin sur six kilomètres, j’arrive à la ville de Langogne construite le long d’une large et longue avenue.
Alors que je traverse le pont enjambant l’Allier, je suis interpellé par le conducteur d’un véhicule de camping.
Il s’agit d’un ariégeois et de son épouse avec qui j’ai marché sur le Chemin cathare en avril 2007.
Quelle surprise et quelle coïncidence. Ils descendent de leur véhicule et j’échange avec plaisir quelques mots avec eux.
Je vais ensuite à l’auberge de routards Modest’Inn où j’avais réservé. Ce gîte est bien situé, simple mais confortable.
Après une douche, je vais marcher dans le vieux Langogne pour visiter la halle classée monument historique.
Érigée en 1743, cette halle imposante accueille les marchés chaque semaine. Mes pas m’amènent ensuite à une vieille église
romane du 11ème siècle, classée elle aussi « monument historique » et portant le nom d’Eglise-Saint-Gervais-et-Saint-Protais.
En y entrant, mon attention est vite attirée par plusieurs chapiteaux aux sculptures variées et étonnantes faisant, ai-je lu,
« découvrir le monde maléfique des terreurs mystiques du Moyen-âge ». Ce sont bien sûr des représentations symboliques
du Bien et du Mal qui s’affrontent et je m’imagine qu’elles devaient impressionner sinon faire peur aux chrétiens du temps
mais peut-être que c’était cela l’objectif du clergé ! Marchant plus tard dans les rues, je vois sur de vieux murs, d’autres étranges
et insolites têtes sculptées. A droite de l’entrée de l’église, dans une chapelle, une curieuse statue attire mon attention.
Il s’agit de la statue de Notre Dame de Tout Pouvoir qui semble être encore aujourd’hui très sollicitée. En effet dans une église
par ailleurs déserte, une douzaine de personnes sont pieusement agenouillées au pied de la statue avec tout autour,
nombre de bougies et de lampions allumés. C’est une statue restaurée en l’an 2000, en bois polychrome représentant une Mère
et un petit Jésus émergeant de sa robe, seuls les deux visages étant sculptés. Cette statue aurait échappé au « brûlement »
révolutionnaire du 19 novembre 1793 mais serait réapparue en 1808 dans la chapelle où je la découvre.
Comme plusieurs autres villes, Langogne eut beaucoup à souffrir de la guerre de Cent Ans avec les Anglais et plus tard en 1568
lors des Guerres de Religion. Quelques 9000 protestants saccagèrent alors la ville et les églises mais la ville mutilée fut reconstruite
vers 1600. En soirée, je dîne dans un restaurant et déguste une tarte aux tomates et une potée auvergnate.
La salle est bondée et joyeuse, on dîne beaucoup au restaurant dans ce pays....

...Je suis tiré tôt du sommeil
  par un coq insomniaque qui erratique et énervé, annonce le réveil toutes les quinze minutes.
J’en profite pour lire quelques chapitres d’un livre laissé dans ma chambre, « La Croisière du baschish » d’Henri de Montfreid.
Quel aventurier que cet homme et quelle plume il avait ! Je prends mon petit déjeuner au gîte avant de reprendre le chemin.
Passant devant la halle occupée en ce samedi par des maraîchers, je quitte Langogne par le vieux pont de pierre du Langouyrou
sous le regard de l’amusante statuette de « Lou Cagaïre » nichée dans une corniche dans la façade d’une ancienne léproserie.
Un léger brouillard flotte sur la campagne mais il se dissipe rapidement. Mon père disait souvent avec raison que
« du brouillard le matin, c’est signe de beau temps ». L’étape du jour sera longue car je décide d’en faire deux en une.
Mon projet initial était de marcher jusqu’à Cheylard-l’Evêque mais comme le seul gîte, Le Refuge de Moure » était complet,
je me vois obliger de marcher jusqu’à La Bastide-Puylaurent c’est-à-dire un total de 35 kilomètres.

 


 


PRIERE A L'INCONNU


Voilà que je me surprends à t'adresser la parole,
Mon Dieu, moi qui ne sais encore si tu existes
Et ne comprends pas la langue de tes églises chuchotantes.
Je regarde les autels, la voûte de ta maison,
Comme qui dit simplement: voilà du bois, de la pierre,
Voilà des colonnes romanes.
Il manque le nez à ce saint.
Et au-dedans comme au-dehors, il y a la détresse humaine.
Je baisse les yeux sans pouvoir m'agenouiller pendant la messe,
Comme si je laissais passer l'orage au-dessus de ma tête.
Et je ne puis m'empêcher de penser à autre chose.
Hélas ! j'aurai passé ma vie à penser à autre chose.
Cette autre chose, c'est encore moi.
C'est peut-être mon vrai moi-même.
C'est là que je me réfugie.
C'est peut-être là que tu es.
Je n'aurai jamais vécu que dans ces lointains attirants.
Le moment présent est un cadeau dont je n'ai pas su profiter.
Je n'en connais pas bien l'usage.
Je le tourne dans tous les sens,
Sans savoir faire marcher sa mécanique difficile.

Jules Supervielle
 

 

 

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